Un pont entre le visible et l'invisible

Les objets du sacré ont un rôle primordial dans la plupart des traditions religieuses. D'une manière générale, ils sont le support par lequel s'établit, ou se maintient, la relation entre les êtres humains et l'absolu qui est le leur. Indispensables à l'accom­plissement des rites, ces objets concernent aussi bien la pratique personnelle des fidèles que les cérémonies communautaires. Ils sont très souvent réalisés dans des matériaux nobles, et leur style est toujours codifié. Ils constituent ainsi la part principale d'un art sacré qui a généralement influencé les diverses traditions artistiques de l'humanité.

Beaucoup de ces objets ont une fonction avant tout rituelle. Il en va ainsi des autels et des coupes d'offrandes consacrés au culte, des statuettes et des masques représentant des divinités ou des ancêtres, des habits cérémoniels que revêtent les officiants. C'est aussi le cas des aides à la prière comme les chapelets, d'instruments de musique tel le tambour du chamane convoquant les esprits, ou encore des brûle-parfums dont la fumée emporte la dévotion des fidèles auprès des dieux, des ancêtres ou des esprits.

À l'image de la croix pour les chrétiens, d'autres objets ont une forte dimension symbolique dans laquelle une communauté se reconnaît. Cette dimension peut prendre un caractère sacré tel celui que confèrent aux Livres saints les textes fondateurs dont ils sont le recueil. Plusieurs de ces objets sont si étroitement associés au divin qu'ils en manifestent la présence réelle, comme les statues des divinités de l'Antiquité gréco-romaine ou, aujourd'hui encore, du panthéon hindou. Il en va de même, dans bien des traditions ethniques, des objets à l'effigie des ancêtres ou des animaux représentant les forces invisibles qui animent la nature.

Toutes traditions confondues, les objets religieux sont ainsi les instruments privilégiés de la médiation entre le profane et le sacré, le visible et l'invisible. Par-delà la diversité de leurs formes et de leurs fonctions rituelles, l'universalité de ces supports montre combien ils ont toujours été et demeurent essentiels aux échanges que les humains entretiennent avec le divin ou le monde des esprits.

Serge Lafitte